"Le tatouage,

un art primitif devenu populaire"

 

Ötzi, plus vieux tatoué connu

Vieux de plus de 5 300 ans (il serait né vers − 3 300 avant JC), l’« Homme des glaces », retrouvé en 1991 momifié à la frontière italo-autrichienne, portait 61 tatouages.

Il s’agissait essentiellement de traits parallèles, dont la plus grande partie était sur le bas des jambes.

Ces tatouages (probablement faits pour soigner l’arthrose dont souffrait Ötzi) étaient faits par incisions, dans lesquelles on frottait du charbon de bois.

 

Le « tatau » polynésien, l’origine du mot

Le tatouage a été pratiqué dans toutes les régions du monde et à toutes les époques. 

L’origine du mot vient de Polynésie : le tatau y est une pratique ancestrale très importante qui pourrait remonter à – 1 300 ans avant JC.

Un rite durant lequel on coloriait sa peau lors des étapes importantes de la vie en utilisant des dents de requin et des os taillés. Il était aussi un marqueur social, car essentiellement pratiqué par les classes supérieures.

 

Au Japon, de l’outil punitif à l’interdiction

Durant l’époque d’Edo (1600-1868), l’irezumi (tatouage japonais) devient synonyme de punition : les criminels sont tatoués de force sur le bras ou sur le front.

Malgré son image négative dans la société, l’irezumi se développe et des Japonais se recouvrent tout le corps de dragons, de personnages et d’autres motifs.

En 1872, les tatouages seront finalement interdits par le gouvernement. Ils seront à nouveau autorisés à partir de 1948, lors de l’occupation américaine.

 

En Europe, une pratique réappropriée par les marins

Le tatouage est interdit en Europe, en 787, par l’Eglise, car jugé comme un symbole païen. 

Dans l’Ancien Testament (Lévitique 19:28), on peut lire :

"Vous ne ferez point d’incision dans votre chair pour un mort, et vous n’imprimerez point de figures sur vous. Je suis l’Eternel."

Le tatouage réapparaîtra cependant au XVIIIe siècle, après que des marins européens de retour de Polynésie s’approprient la pratique.

 

En Russie, un CV criminel sur la peau

En Union soviétique (dès 1922), le tatouage devient central dans les prisons et goulags.

Par un système très codifié, les prisonniers se gravent leur parcours criminel sur la peau.

Les motifs et le nombre de tatouages donnent des indices sur la raison de leur séjour derrière les barreaux et instaurent une sorte de hiérarchie en prison. Les autorités soviétiques ayant commencé à déchiffrer certains symboles à partir des années 1960, le tatouage peut aussi trahir celui qui a la peau encrée.

 

De l’image du mauvais garçon à la pop culture

Si l’art et la technique évoluent, le tatouage reste jusqu’aux années 1980 une pratique "underground". Aux Etats-Unis comme en Europe, il est souvent associé aux "mauvais garçons", aux gangs, mais aussi au rock, au punk puis au rap.

Mais les stars de la musique vont lui donner une image "cool" qui le fera entrer dans la pop culture.

 

Le tatouage fait aujourd’hui de plus en plus d’adeptes. 

Le tatouage n'est plus une manière d'afficher son appartenance à un groupe, à une tribu ou à un quartier, c'est un moyen de revendiquer son originalité, de séduire, de s'embellir, de provoquer, de compenser. 

Un tatouage correspond souvent à un moment important de la vie, agréable ou douloureux : naissance, décès, réussite personnelle ou professionnelle sont des exemples récurrents de raisons qui amènent à se faire tatouer.

De ce fait, le motif mais aussi le lieu de l'inscription (dos, torse, bras, jambes, parties intimes, etc ...) a également une importante signification.

 

 par Romain Geoffroy,

Journal "Le Monde", 11/03/2018